Ce blog a pour objectif d'évoquer des formes de création qualifiées ou considérées comme extrêmes en Russie. L'idée est non seulement de présenter l'oeuvre des artistes contemporains russes, mais plutôt de dégager les caractéristiques essentielles des rapports entre d'une part les formes artistiques et d'autre part le régime et les forces politiques de la Russie actuelle, ainsi que la réaction sur ses formes et leur rejet par la population. Vous trouverez ici mes réflexions personnelles sur le sujet, mais surtout une collection de textes, de documents et d'articles de différents auteurs qui vous permettront de comprendre mieux l'art contemporain russe dans ses controverses, mais aussi le paysage politique et social de la Russie.

dimanche 29 mai 2011

Les formes de l'art extrême et du rejet en Russie


                Pour répondre à la question « Qu’est-ce que l’art extrême en Russie ? », le premier reflexe évident et justifié est d’évoquer la tendance centrale de l’art russe des années 90 : l’actionnisme de Moscou qui était l’art de performance réalisé souvent par  des gestes violents, radicaux et provocateurs.
Parmi les actions les plus caractéristiques de ce mouvement on peut citer l’égorgement d’un cochon par Oleg Kulik au sein d’une galerie suivi par la distribution de morceaux de viande fraiche au public, ou encore sa transformation en chien qui agressait et mordait des gens, la masturbation effectuée par Alexander Brener sur la tour de plongeon de la piscine Moscou érigée à la place du cathédrale Christ-Sauveur, le défit qu’il lançait au Président Boris Eltsin en se trouvant sur l’échafaud historique sur la Place Rouge, sa défécation devant un tableau de Van-Gogh au musée des beaux arts de Moscou, le signe de dollar vert que cet artiste  a dessiné sur le tableau Suprématisme de Malevitch au musée Stedilijk à Amsterdam, le texte complet de la Constitution de la Russie que Oleg Mavromatti  écrit avec son sang etc..
Le radicalisme artistique s’inscrivait bien dans la réalité de l’époque marquée par l’absence d’institutions suite à l’effondrement de l’URSS en 1991, par une dévalorisation d’idées et de notions structurantes suite à la dénationalisation, et par la mise en évidence de « barrières culturelles » entre l’Ouest et l’Est qui persistaient malgré l’ouverture des frontières d’état. Dans cette ambiance révolutionnaire où la transgression devenait la norme dans la vie politique et quotidienne du pays, la violence, la dureté et la raideur des expressions artistiques semblaient très actuels et organiques. L’œuvre de ces artistes ne trouvait pas de réactions fortes ni chez le pouvoir qui ne les prenait pas au sérieux faute du système institutionnel qui pourrait donner du poids à leurs actions, ni chez le public désorienté par la dévalorisation d’anciennes normes éthiques, esthétiques, morales et idéologiques. La voix des critiques peu nombreux restait  très faible faute du système de médias développé. Par contre, les actions de ces artistes en Occident, considérées comme des actes de vandalisme ou d’offense, ont provoqué des scandales et même des procédures judiciaires.  
Dans les années 2000, les formes extrêmes propres à l’actionnisme ne sont plus d’actualité en Russie. En revanche, ce sont les réactions qui sont paradoxalement devenues plus violentes et agressives. Il est devenu dangereux pour les artistes de s’exprimer sur certains sujets, surtout ceux liés à la religion orthodoxe ou aux idées nationalistes.
Le premier artiste qui était poursuivi pour « Incitation à la haine et atteinte à la dignité humaine », c’était Avdeï Ter-Oganian, actuellement refugié politique à Prague, suite à sa performance où il brisait des reproductions d’icônes à la foire « Art-Manège » en 1998. Il a ouvert une longue liste de procès judiciaires contre des artistes (Oleg Mavromatti – refugié en Bulgarie), galeristes (Marat Guelman) et commissaires d’expositions (Youri Samodourov, Andreï Erofeïev pour les expositions Attention : Réligion ! et Art interdit 2006), ainsi que d’agressions physiques d’artistes (Kirill Miller, Igor Bystrov, Oleg Yanushevski, Marat Guelman), de ravages d’expositions et des vandalisassions d’œuvres. Les auteurs de ces réactions sont des membres d’associations réactionnaires proches de l’église orthodoxe russe ou d’ultranationalistes.
Je crois que la scène de l’art contemporain russe présente de « bons » exemples qui permettent de voir et de comprendre comment la notion de l’extrême dans l’art peut varier en fonction des conditions historiques et politiques ou du degré des réactions.

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